Fibres courtes d’amiante
Présentation et travaux de l’Agence
En 2003, de nouvelles données ont interpellé la communauté scientifique sur la pathogénicité éventuelle liée aux fibres courtes d’amiante. Dans ce contexte l’Agence a été saisie pour évaluer les risques associés aux fibres courtes et aux fibres fines d’amiante. Les résultats de ce travail ont été publiés en février 2009. En s’appuyant sur les résultats de cette expertise, le ministère en charge du travail a fait évoluer la réglementation relative à la protection de la population générale et professionnelle contre les risques liés à l’inhalation de poussières d’amiante.
En 2003, une publication a interpellé la communauté scientifique sur la pathogénicité éventuelle liée aux fibres courtes d’amiante. Ces nouvelles données justifient diverses interrogations sur la pertinence de la prise en compte des risques liés à l’amiante dans la réglementation. Dans ce contexte, l’Agence a été saisie en février 2005 par ses ministères de tutelle afin de procéder à une évaluation des risques associés aux fibres courtes d’amiante (FCA : longueur L <5 microns, diamètre d <3 microns et rapport L/d = 3). Une lettre de mission complémentaire, demandant d’étendre le champ des investigations aux fibres fines d’amiante (FFA : L = 5 microns, d < 0,2 microns et L/d = 3), a été adressée à l’Agence le 16 mai 2007.
Après analyse préalable de la publication (expertise du contenu et de l’impact potentiel de la publication à l’origine de la saisine), les travaux ont principalement porté sur les points suivants :
- évaluer la toxicité des fibres courtes d’amiante et des fibres fines d’amiante ;
- caractériser la répartition granulométrique des fibres selon les circonstances d’exposition (population générale ou professionnelle) et la nature de l’amiante (chrysotile ou amphiboles) ;
- évaluer les risques pour la santé humaine liés à une exposition aux fibres courtes d’amiante et des fibres fines d’amiante.
L’évaluation devait aussi permettre d’apprécier la pertinence des dispositions réglementaires en vigueur, notamment les seuils actuels et l’absence de mesures d’empoussièrement pour les fibres courtes d’amiante et des fibres fines d’amiante.
Description de la méthode
Dans ce contexte, l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) a été mandaté par l’Agence pour réaliser un bilan bibliographique des données actuelles concernant l’influence du paramètre dimensionnel sur la toxicité des fibres d’amiante.
L’Agence a également sollicité le laboratoire d’études des particules inhalées (LEPI – ville de Paris) et l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail (IRSST – Québec) en vue d’acquérir des connaissances sur la distribution granulométrique de l’amiante dans les différents types d’environnements (environnement intérieur ou extérieur, nature des matériaux en présence, population professionnelle), en complément d’une revue de la littérature réalisée par le groupe de travail.
Par ailleurs, afin de confronter les expertises et de discuter des travaux, puis des propositions du groupe de travail, l’Agence a organisé, à la demande des experts, deux journées d’échanges (17 et 18 septembre 2008) à Paris avec des représentants de l’Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR), du National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), de l’Environmental Protection Agency (US-EPA), ldu Health & Safety Laboratory (HSL- UK) et du Finnish Institute of Occupational Health (FIOH).
Principaux résultats
L’analyse de différents travaux n’a pas permis d’écarter avec certitude l’existence de propriétés cancérogènes des fibres courtes d’amiante. Dans l’hypothèse d’une toxicité des fibres courtes d’amiante, elle serait certainement inférieure à celle des fibres longues. Les données acquises lors de cette expertise concernant la distribution granulométrique des fibres d’amiante, que ce soit pour l’environnement général, professionnel ou à proximité d’affleurements naturels, soulignent la prépondérance des fibres courtes d’amiante associées à des concentrations élevées.
Pour l’environnement général, des prélèvements contenant uniquement des fibres courtes d’amiante ont été associés au relarguage de matériaux ou produits contenant de l’amiante situés à proximité, reflétant ainsi la dégradation du matériau. Au final, il n’est pas possible, en l’état actuel des connaissances, de construire une évaluation quantitative des risques sanitaires liée à toute la distribution granulométrique des fibres d’amiante ou aux seules fibres courtes d’amiante.
Pour les fibres fines d’amiante, les données toxicologiques et épidémiologiques confirment l’existence d’un effet cancérogène associé à l’inhalation de cette classe granulométrique. L’analyse des données concernant la distribution granulométrique pour tous les environnements indique que les fibres fines d’amiante représentent une faible part de la distribution.
Conclusion de l'expertise
Concernant les fibres fines d’amiante, les résultats de l’expertise confirment l’intérêt de les mesurer dans le cadre de la réglementation en environnement général et les experts s’accordent sur la nécessité de recommander la prise en compte de cette classe granulométrique dans la réglementation en milieu professionnel.
Au vu de l’expertise réalisée concernant les fibres courtes d’amiante, et malgré les nombreuses inconnues nécessitant l’acquisition de données complémentaires, il faut souligner le fait que la dangerosité des fibres courtes d’amiante n’est pas exclue et que cette classe granulométrique est présente systématiquement, et dans des proportions importantes, lors des mesures métrologiques. De plus, la quantification et l’identification des fibres courtes d’amiante peuvent contribuer au diagnostic de pollution d’un environnement à partir d’une source potentielle.
Pour l’environnement général, les fibres courtes d’amiante pourraient être utilisées dans la réglementation comme indicateur pour témoigner de la dégradation des matériaux ou produits contenant de l’amiante.
Pour l’environnement professionnel, la prise en compte des fibres courtes d’amiante dans les études épidémiologiques pourrait permettre d’améliorer les connaissances sur les relations dose-effet et de réduire éventuellement les imprécisions des modèles existants d’évaluation quantitative des risques sanitaires.
Recommandations de l’expertise collective
Au vu des résultats de l’expertise collective publiée en 2009, l’Agence considère qu’une révision de la réglementation, tant pour l’environnement général que professionnel, est justifiée et propose de s’appuyer sur les considérations suivantes en termes de gestion des risques sanitaires liés à l’amiante :
- révision des méthodes normalisées de métrologie, en retenant la microscopie électronique à transmission analytique pour tous les milieux ;
- révision des seuils réglementaires, tant pour l’environnement général que professionnel, pour les fibres de longueur supérieure ou égale à 5 µm.
Une proposition de VLEP pour l’amiante et de méthode métrologique associée fait l’objet d’une fiche détaillée et argumentée par le CES VLEP de l’Agence.
- extension pour l’environnement général, lorsque l’examen visuel réglementaire a diagnostiqué une dégradation du matériau, des mesures d’empoussièrement à tous les matériaux ou produits contenant de l’amiante, notamment les dalles de sol amiantées, l’amiante ciment, etc., en incluant une mesure spécifique des fibres courtes d’amiante pour évaluer la dégradation du matériau.
L’étendue des recommandations et l’inclusion de nouveaux référentiels comme les fibres courtes d’amiante renforcent la nécessité d’une information et d’une communication attentives auprès des parties prenantes.
Par ailleurs, l’Agence recommande de compléter les connaissances sur l’influence du critère dimensionnel des fibres pour l’évaluation des risques sanitaires liés à l’amiante, notamment dans le domaine de :
- la toxicologie, avec l’acquisition de nouvelles données expérimentales sur les fibres courtes d’amiante;
- l’évaluation de l’exposition, avec l’acquisition de données sur la distribution granulométrique des fibres d’amiante, pour :
- l’environnement professionnel ;
- l’environnement général extérieur en vue d’avoir des prélèvements plus représentatifs de la situation nationale et plus récents (notamment après l’interdiction de l’amiante) ;
- le relarguage en fibres des matériaux ou produits contenant de l’amiante dans l’environnement général intérieur.