Les biotechnologies
Avec l’essor du génie génétique, les biotechnologies permettent d’intervenir directement sur les gènes des organismes vivants pour en modifier les propriétés. Ces technologies sont utilisées dans de nombreux secteurs, de la recherche à l’industrie, notamment dans les domaines de l’agriculture et de la santé. Depuis sa création, l’Anses remplit plusieurs missions en rapport avec l’utilisation de plantes génétiquement modifiées dans l’alimentation humaine ou animale, désignées sous le nom d’OGM. Le 1er janvier 2022, ses missions ont été élargies suite à la dissolution du Haut conseil des biotechnologies.
Biotechnologies : de quoi parle-t-on ?
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « la biotechnologie désigne l’application de la science et de la technologie à des organismes vivants, de même qu’à leurs composantes, produits et modélisations, pour modifier des matériaux vivants ou non vivants aux fins de la production de connaissances, de biens et de services ».
L’universalité du code génétique rend notamment possible l’introduction de gènes issus d’un organisme vivant dans un autre organisme. La transgénèse est ainsi utilisée à des fins de recherche et d’innovation industrielles, médicales ou agro-alimentaires depuis la fin du siècle dernier, pour incorporer un ou plusieurs gènes codant pour des propriétés recherchées dans le génome d'un autre organisme vivant. Les organismes dont le matériel génétique a ainsi été modifié, tout particulièrement les plantes, sont désignés par l’acronyme OGM pour « organisme génétiquement modifié ». C’est autour de la transgénèse que s’est structuré le cadre réglementaire spécifique aux OGM en vigueur aujourd’hui, avec notamment la directive européenne 2001/18/CE, modifiée par la directive (UE) 2015/412, relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement.
Depuis le milieu des années 2000, les possibilités de modification du patrimoine génétique se sont considérablement diversifiées, tout particulièrement avec les techniques d’édition génomique. Suite à un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne et à une décision du Conseil d’État français enjoignant à soumettre les organismes issus des techniques de mutagénèse récentes aux obligations imposées aux OGM, des discussions sont en cours au niveau européen pour déterminer si le cadre d’évaluation et d’autorisation des organismes qui sont issus des technologies les plus récentes nécessite une évolution de la règlementation datant du début des années 2000.
Le saviez-vous ?
Pour l’utilisation d’OGM en milieu confiné (fermé), la priorité est d’éviter tout contact de l’organisme avec la population et l’environnement, par exemple dans les laboratoires remplissant les conditions de biosécurité requises. L’autorisation réglementaire de ce type d’utilisation se concentre donc sur l’efficacité des mesures de confinement. Ces utilisations sont en général associées aux phases de recherche et de développement de nouveaux OGM.
Par opposition, la dissémination volontaire dans l’environnement est un terme réglementaire pour désigner l’utilisation d’OGM sans mesure de confinement, mais selon des conditions très encadrées. Une dissémination sans mise sur le marché peut être demandé en amont de la phase commerciale, comme par exemple pour procéder à des essais au champ. Une nouvelle autorisation sera nécessaire pour une dissémination avec mise sur le marché, c’est-à-dire la production et la commercialisation d’OGM ou de produits issus d’OGM. Pour ces deux types d’utilisation d’OGM en milieu ouvert, un dossier de demande d’autorisation doit être déposé auprès de l’autorité compétente pour l’utilisation visée.
Les principaux usages des biotechnologies
Les biotechnologies font partie des méthodes courantes de la recherche scientifique. Elles sont de plus en plus utilisées dans les domaines agricole, industriel et médical.
A l’échelle mondiale, ces technologies sont principalement utilisées pour produire :
- des plantes à usage agricole, afin d'améliorer leur résistance aux organismes nuisibles (ravageurs ou parasites) ou de les rendre tolérantes à des herbicides ;
- des micro-organismes capables de produire des enzymes ou d’autres molécules d’intérêt agro-alimentaire ou médical.
En médecine, la thérapie génique vise à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie. Des micro-organismes génétiquement modifiés sont également utilisés pour la production de vaccins et de médicaments à usage humain ou vétérinaire. Des protéines d’intérêt thérapeutique sont produites à partir de micro-organismes, de plantes ou d’animaux génétiquement modifiés, comme par exemple l’insuline ou des hormones de croissance.
D’autres applications se développent. Ainsi, les Etats-Unis ont autorisé l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés à des fins de lutte contre les maladies vectorielles qu’ils transmettent comme le paludisme, la dengue, le chikungunya ou le zika.
Focus : biotechnologies et alimentation en Europe
Pour les usages des biotechnologies dans les domaines agricole et agro-alimentaire, l’évaluation des risques pour la santé et l’environnement est centralisée au niveau européen. Les Etats membres transmettent leurs commentaires sur les dossiers de demande d’autorisation déposés par les industriels et examinés par l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Au terme de l’évaluation du dossier, le produit fait l’objet d’une décision de la Commission européenne prise après un vote des 27 Etats-membres.
Sont évalués :
- les impacts sur la santé humaine (toxicité, risques d’allergies) et sur la santé des animaux ;
- les impacts sur l’environnement tels que le risque de transfert du gène introduit dans l’organisme génétiquement modifié à d’autres organismes vivants.
Pour la culture, en 2021, une seule variété de plante génétiquement modifiée (un maïs) est autorisée sur le territoire de l’Union européenne. Chaque État membre peut autoriser ou interdire la mise en culture sur son propre territoire. En France, la culture de plantes génétiquement modifiées à des fins commerciales est interdite depuis 2008.
Concernant l’importation et l’utilisation dans l’alimentation humaine et animale, une centaine d'OGM sont autorisés dans l’Union européenne et en France. Les autorisations concernent le maïs, le soja, le colza, le coton et la betterave sucrière. Elles ne permettent pas la mise en culture des OGM correspondants. La réglementation prévoit des obligations d’étiquetage des produits contenant des OGM.
Les missions d’évaluation de l’Anses sur les biotechnologies
Missions historiques de l’Agence sur les biotechnologies
Depuis sa création, l’Agence contribue à l’évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation de plantes génétiquement modifiées dans l’alimentation humaine ou animale. Les autorités compétentes françaises s’appuient sur les expertises de l'Agence pour formuler leurs commentaires à l’EFSA et pour déterminer leur position lors du vote des Etats membres sur les dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché européen d’un OGM pour une utilisation en alimentation humaine et animale. L’Agence participe également aux consultations organisées par l’EFSA pour faire évoluer les documents guides sur lesquels les industriels s’appuient pour constituer leurs demandes d’autorisation de mise sur le marché de plantes génétiquement modifiées.
En tant qu’Agence nationale du médicament vétérinaire, l’Anses a également pour mission d’évaluer, autoriser et contrôler tout médicament vétérinaire issu des biotechnologies.
Nouvelles missions confiées à l’Anses en 2022
Depuis le 1er janvier 2022, suite à l’ordonnance du 14 octobre 2021, l’Anses évalue également les risques environnementaux pour les organismes répondant à la définition réglementaire d’OGM et faisant l’objet de demandes d’utilisation en milieu ouvert : mise en culture de plantes en plein champ y compris au stade expérimental, essai clinique de médicaments vétérinaires, et au niveau européen dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché de médicaments vétérinaires et humains etc.
Pour les médicaments à usage humain, l’Anses peut être saisie par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits du médicaments) pour réaliser des évaluations de risques environnementaux en amont des phases d’utilisation en milieu ouvert (mise sur le marché), et dans certains cas en amont de la délivrance d’autorisations d’accès précoce ou d'accès compassionnel pour traiter des maladies rares par exemple.
Par ailleurs, l’Anses pourra mener des expertises spécifiques d’analyse socio-économique relative aux utilisations des applications des biotechnologies en milieu ouvert.
Comment sont conduites les expertises de l’Anses sur les biotechnologies ?
Les expertises menées par l’Anses sur les biotechnologies se conforment aux règles communes à l’ensemble des évaluations conduites à l’Anses. Elles garantissent leur qualité, leur transparence et leur indépendance : déclaration des liens d’intérêt, pluridisciplinarité des collectifs d’experts, débat contradictoire autour des éléments de preuve et des incertitudes. Les processus coordonnés par l’Anses répondent aux spécifications de la norme de référence NFX50-110 et aux exigences législatives et réglementaires de l’expertise sanitaire.
Pour mettre en œuvre les nouvelles missions relatives aux biotechnologies qui lui ont été confiées début 2022, l’Agence a renforcé les collectifs d’experts indépendants produisant les évaluations scientifiques sur lesquelles se fondent ses avis. A partir de janvier 2022, dix nouveaux experts rejoignent son groupe de travail « Biotechnologie » et étendent ses compétences aux aspects environnementaux et à la thérapie génique. Par ailleurs, l’Anses a constitué un comité d’experts spécialisés dédié à l’analyse socio-économique dont les missions couvrent les différents champs d’intervention de l’Anses, y compris les biotechnologies.
Dans le cadre de ses dispositifs d’ouverture à la société, l’Anses a également mis en place un comité de dialogue « Biotechnologies, environnement & santé ». Il aura pour rôle d’échanger avec les parties prenantes sur les méthodes et les travaux scientifiques de l’Anses, comme l’Agence le fait par ailleurs pour les nanotechnologies, les radiofréquences et les produits phytopharmaceutiques depuis plusieurs années.
Cette instance de dialogue n’aura pas vocation à traiter des questions relatives aux implications sociétales et éthiques des biotechnologies. Conformément à l’ordonnance publiée le 14 octobre 2021, la réflexion et le débat public sont portés par le Conseil économique social et environnemental et le Comité consultatif national d’éthique, dans le périmètre de leurs missions respectives.
Le Laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses, laboratoire national de référence pour la détection des OGM végétaux
Le Laboratoire de la santé de végétaux de l’Anses développe ou valide des méthodes pour détecter les modifications génétiques apportées à des plantes, qu’elles soient ou non autorisées sur notre territoire.
En tant que laboratoire national de référence (LNR) sur ce sujet, il met au point et valide les méthodes d’analyse officielles. A ce titre, il remplit les missions suivantes :
- réalisation des analyses officielles des plans de contrôle pilotés par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation ;
- identification des modifications génétiques qui sont développées dans le monde pour différentes espèces végétales ;
- évaluation ou développement d’outils analytiques adaptés pour la détection des OGM autorisés ou non, depuis l’extraction d’ADN jusqu’à l’identification des événements de transformation lorsque cela est possible.