SDHI : l’Anses fait le point sur les travaux lancés suite à l’avis de janvier 2019
Le 14 janvier dernier, suite à l’alerte d’un collectif de scientifiques, l’Anses publiait un avis relatif à l’évaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI). A partir de l’examen de l’ensemble des données scientifiques actuellement disponibles, réalisé par un groupe d’experts indépendants, l’Anses concluait à l’absence d’alerte sanitaire pouvant conduire au retrait des autorisations de mise sur le marché de ces fongicides. Elle lançait cependant un appel à la vigilance au niveau européen et international, et soulignait la nécessité de renforcer la recherche sur de potentiels effets toxicologiques chez l’Homme.
Le traitement de ce signal concernant les fongicides SDHI se poursuit depuis janvier 2019 dans trois directions : la définition et le financement de travaux de recherche spécifiques, la détection d’éventuels effets sanitaires pouvant être observés sur le terrain via les dispositifs de surveillance existants, et enfin les échanges avec les organismes de recherche et les agences sanitaires chargées de l’évaluation de ces substances, notamment l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
La famille des SDHI comprend 11 substances fongicides qui agissent en empêchant le développement de champignons et moisissures affectant les cultures par le blocage d’une enzyme impliquée dans la respiration cellulaire, la succinate déshydrogénase (SDH). En avril 2018, plusieurs scientifiques alertaient, dans une tribune publiée dans la presse, sur des risques potentiels de ces substances pour la santé humaine.
L’examen exhaustif des données scientifiques disponibles mené par le groupe d’experts réuni par l’Anses n’a pas apporté d’éléments confirmant ce signal. En effet, le niveau des expositions alimentaires s’avère faible au regard des seuils toxicologiques. De plus, ces substances, dont aucune n’est classée cancérigène avérée ou présumée dans la réglementation européenne, sont rapidement métabolisées et éliminées chez l’Homme. Par ailleurs, dans les sources consultées, aucune donnée ne suggère que l’incidence des cancers, notamment ceux associés au déficit héréditaire en SDH, ait augmenté avec la commercialisation des fongicides SDHI, chez les agriculteurs notamment. De la même façon, il n’existe pas de données indiquant un impact de ces fongicides sur des organismes dans l’environnement.
Dans l’optique d’approfondir le traitement du signal, l’Anses a identifié depuis janvier plusieurs projets de recherche répondant aux recommandations d’amélioration des connaissances émises par le groupe d’experts indépendants. Ainsi, la possibilité d’explorer les données du registre national du paragangliome héréditaire lié à une mutation sur l’un des gènes SDH a d’ores et déjà retenu l’attention de l’Agence, qui engage des financements pour soutenir ces travaux afin de préciser l’évolution de l’incidence de ce type de pathologies. D’autres projets de recherche sont en cours ou ont été présentés dans le cadre de l’appel à projets 2019 du programme national de recherche environnement-santé- travail de l’Anses. Parmi ces projets figurent des études toxicologiques et des études mécanistiques visant à approfondir les modalités d’action des fongicides SDHI. Dès les conclusions du groupe de travail, l’Anses a également saisi l’Inserm afin que la question des effets des SDHI sur la santé soit prise en compte dans le cadre de l’expertise collective en cours visant à actualiser les connaissances des effets sanitaires liés aux pesticides.
L’Anses approfondit continuellement ses méthodes d’évaluation des risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques. En sus des travaux en cours, elle s’est autosaisie en 2019 de la question des expositions cumulées aux différents SDHI via l’alimentation. Ces travaux seront terminés au premier semestre 2020.
L’Anses reste par ailleurs vigilante à tout effet indésirable sur la santé humaine et poursuit la collecte de données de terrain via son programme de phytopharmacovigilance (PPV) pluriannuel, déployé à l’échelle nationale. Ainsi des études, en cours et à venir, sur la surveillance de la contamination de l’air ambiant, du sol et de l’alimentation par les pesticides prennent en compte l’étude des SDHI. D’autres dispositifs de surveillance ont également inclus les fongicides SDHI dans la liste des substances à surveiller.
Enfin, comme pour tous les produits phytopharmaceutiques, l’évaluation des substances actives est menée au niveau européen sous l’égide de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Les produits commerciaux qui les contiennent font quant à eux l’objet d’une évaluation par les États membres qui est spécifique à chaque usage, en vue de l’autorisation de mise sur le marché. Les approbations des substances actives et les autorisations de mise sur le marché sont régulièrement réexaminées au regard de l’évolution des connaissances disponibles. Dès 2018, l’Anses avait informé les autorités européennes, les États membres et ses homologues nord-américains du signal concernant les fongicides SDHI et de son auto-saisine sur le sujet. Début 2019, l’Anses a transmis ses conclusions à l’EFSA, à l’ECHA et aux États membres afin qu’ils en prennent connaissance et se montrent particulièrement attentifs à toute nouvelle donnée lors des processus d’évaluation et de réévaluation en cours, telle la réévaluation du boscalid, la substance active de la famille des SDHI la plus utilisée.
A ce jour, aucun nouvel élément n’est venu confirmer l’existence d’une alerte sanitaire qui conduirait au retrait des autorisations de mise sur le marché en vigueur, conformément aux règlements nationaux et européens relatifs aux produits phytopharmaceutiques.