L’Anses a développé une méthode pour cultiver la bactérie Campylobacter hepaticus. Les cas de contamination de volailles par cette bactérie ont augmenté en France depuis 2019. Pouvoir la cultiver devrait permettre de retracer sa diffusion dans les élevages au travers de sa caractérisation génétique.
« Initialement, ce sont les vétérinaires qui nous ont contactés, raconte Martine Denis, responsable du laboratoire national de référence (LNR) sur Campylobacter à l’Anses. Ils ont observé des cas rappelant les symptômes provoqués par Campylobacter hepaticus dans les élevages de volailles. Les méthodes de culture habituelles pour Campylobacter ne fonctionnaient pas avec cette espèce, ce qui compliquait son identification par les laboratoires d’analyses, qui eux aussi ce sont retournés vers le LNR Campylobacter. » En effet, Campylobacter hepaticus ne se développe pas dans les milieux de cultures utilisés pour les autres espèces du genre Campylobacter.
Pour trouver une parade à cette situation, le Laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort de l’Anses, qui porte le mandat de LNR Campylobacter pour la France, a coordonné un projet européen dans le cadre du réseau CoVetLab (Collaborating Veterinary Laboratories) et a travaillé sur Campylobacter hepaticus avec les laboratoires nationaux de référence d’autres pays. Ce projet regroupait ainsi les LNR Campylobacter de la Suède, du Danemark, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Au terme de 18 mois de recherches, ils ont développé un protocole de culture permettant d’isoler spécifiquement C. hepaticus, et ont adapté un test PCR pour confirmer que la souche isolée est bien C. hepaticus.
Contrairement à d’autres espèces du genre Campylobacter, C. hepaticus affecte les volailles, particulièrement les poules pondeuses, mais pas les humains. « Il provoque une baisse de la ponte et des mortalités. Son symptôme le plus caractéristique est la présence de points blancs sur le foie, d’où son appellation, la maladie du foie tacheté. », explique la scientifique. Cette nouvelle espèce de Campylobacter a été décrite pour la première fois en Australie et en Nouvelle-Zélande en 2014. « Ces pays ont d’abord mis au point un test PCR pour la détecter directement à partir du foie et de la bile mais il n’existait pas de méthode pour la cultiver. » Le test PCR permet en effet d’identifier la présence de la bactérie mais pas de savoir si elle est encore vivante ni à quelle souche elle appartient. Pour cela il est nécessaire de la cultiver pour ensuite l’isoler et la caractériser génétiquement.
Le protocole nouvellement développé pour isoler C. hepaticus à partir du foie ou de la bile nécessite quatre jours d’enrichissement en bouillon suivi de quatre jours de culture sur gélose, soit huit jours au total au lieu des quatre jours pour isoler les autres espèces de Campylobacter. Ce protocole a été communiqué aux laboratoires d’analyse de terrain pour qu’ils puissent le mettre en œuvre, ce qui permettra de mieux comprendre comment Campylobacter hepaticus se diffuse dans les élevages « En isolant les souches et en caractérisant leur profil génétique, nous pourrons tracer la provenance de la bactérie. Nous pourrons aussi savoir si elle survit dans l’environnement, par exemple dans le sol, l’eau, les aliments ou sur les outils utilisés dans les élevages. Cela permettra de recommander aux éleveurs des mesures pour éviter la contamination des volailles. » Si la prévalence des cas dans les élevages en France n’est pas encore connue, on sait que la maladie est plus fréquente en été, lorsque la température est haute. Il est donc probable que sa fréquence augmente à l’avenir avec le dérèglement climatique.